LANGUE DES SIGNES
Etre Famille, vous présente un article de l’ASBL Scolarité et Surdité :
I-Le constat
Les enfants sourds n’ont pas la faculté de s’exprimer oralement spontanément. Leur capacité à acquérir du vocabulaire et une structure linguistique est étroitement liée au contact avec des interlocuteurs s’exprimant en langue des signes. A défaut de ce contact, une simple déficience sensorielle, l’audition, compromet tout le déploiement du potentiel intellectuel, pourtant intact au départ, des enfants sourds.
II-Entendre ne signifie pas comprendre
Leurs parents, entendants dans la plupart des cas, fondent d’énormes espoirs dans les progrès techniques pour restaurer chez leur enfant le sens de l’ouïe et leur donner l’accès au langage et aux connaissances. Le recours aux prothèses auditives et aux implants peut constituer une aide dans ce cadre.
Contrairement aux idées reçues, cette aide est cependant très souvent insuffisante, car mieux entendre ne signifie pas tout comprendre. Certains (parents, éducateurs,…) mettent parfois plusieurs années à s’en rendre compte. Et ces années, chez un jeune enfant, ne se rattrapent pas.
III-La lecture et les enfants sourds
Dans tous les types d’enseignement pour élèves sourds, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture du français est un problème pédagogique difficile.
Quand un enfant entend, il utilise la parole, avant de découvrir l’écrit, dans la même langue. Les caractères qu’il apprend à déchiffrer s’associent progressivement à des sons.
Pour un enfant sourd, les simples messages de la vie courante (viens manger ou va au lit) n’ont souvent jamais été entendu, ni d’ailleurs les contes et les histoires qui aident à mettre du sens dans le quotidien. Découper la mélodie de la voix en petits morceaux ne lui est pas possible parce qu’il ne perçoit pas la langue par l’oreille. Il est incapable de faire des hypothèses sur la logique formelle de la langue. Un enfant sourd fait rarement ces jolies fautes qui témoignent d’un travail conceptuel, comme « j’ai peindu », « les nétoiles », ou « une tomium ».
Pour lire, un enfant sourd se trouve en difficulté avec deux savoir-faire spécifiques : décoder les mots et explorer-questionner les phrases. Or, il faut utiliser ensemble les deux procédures pour faire parler le texte. Explorer-questionner le texte est possible grâce à la langue des signes, langue reconnue, apportant tout ce que l’expérience de toute structure linguistique peut assurer. Elle peut donner les près requis de la lecture, une connaissance du monde, la pensée.
C’est la langue des signes qui permet de commenter la leçon de lecture, d’expliquer, de nommer les lettres. Comme jadis, la leçon de latin était donnée en français, les textes étant lus en latin et traduits.

Décoder les mots est possible en utilisant la technique du Langage Parlé Complèté (LPC). Il s’agit d’associer de petites postures des doigts au mouvement des lèvres de celui qui parle, pour rendre visuel ce qui, en français, s’entend. Les enfants sourds peuvent tous s’exprimer en français par gestes codés, si on le leur apprend.
Aucun son n’est nécessaire pour accéder à l’abstraction des unités plus petites que la syllabe et ainsi au principe alphabétique: le b, a ba de la méthode analytique classique. La traduction en langue des signes, des mots, des phrases, prononcés en français codé par l’enseignant et par les élèves, donne vie au texte, assure le sens et le plaisir de lire, et conduit à un usage progressivement maîtrisé du français, qu’il s’agira aussi d’écrire.
De même que le déchiffrage correct des notes de musique ne suffit pas pour entendre la musique à la lecture d’une partition, la question est de savoir à quelles conditions l’apprenti lecteur sourd, décodant un texte français, le fera danser en langue des signes, ou chanter en français, comme jadis certains accédaient au plaisir du latin dans le texte sans traduire. Les deux nous semblent possibles.
IV-La solution envisagée : des classes bilingues langue des signes-français
L’A.S.B.L. Scolarité et Surdité à été créée en ayant pour objectif de mettre en place à Arlon un projet d’encadrement scolaire pour l’enfant sourd.
Nous sommes convaincus que la solution à ce qui précède est l’accueil des enfants sourds – appareillés ou non – dès leur plus jeune âge dans une structure d’enseignement bilingue : langue des signes-français. Les jeunes enfants sourds s’ouvrent spontanément – et dans le plaisir – à la langue des signes (visuelle), comme les enfants entendants le font à une langue orale.
Si cette langue leur est présentée en classe par une personne disposant des aptitudes pédagogiques requises, les enfants sourds acquerront l’essentiel : une première langue. Le français, langue orale n’est pas oublié. Et certains l’acquièrent en même temps.
Mais pour beaucoup, son accès, est plus aisé si, à travers la langue des signes, les enfants sourds ont pu acquérir une première structure linguistique. Ce n’est qu’à ce prix que les Sourds seront sortis de l’illettrisme fonctionnel dont 80 % d’entre eux, sont encore aujourd’hui victimes, illettrisme qui encore souvent lesmaintient à charge de la société.

Site web : http://www.scolariteetsurdite.be