L’art et les oeuvres
Alicia Gillet, le choix du patrimoine et de la ruralité
Rencontre avec une jeune femme fidèle à sa verte région, le sud-Luxembourg où elle a choisi de restaurer le patrimoine.
Je découvre la maison d’Alicia Gillet, restauratrice d’oeuvres d’art, derrière l’église du village. C’est dire si notre entretien sera rythmé par les cloches toutes proches. Une belle lumière tombe sur le tableau en chantier par la large fenêtre. À gauche, la partie nettoyée, à droite, celle dont le vernis est encrassé. 5 oeuvres déjà restaurées s’alignent, prêtes au départ. Elles rejoindront bientôt le Musée Gaspar, à Arlon, pour l’exposition qui a débuté 15 octobre. Les délais étaient très courts : 1 mois pour toutes ces toiles. Mais le travail ne fait pas peur à notre jeune restauratrice. « J’ai hérité de mon père, menuisier de formation. Il travaille à l’occasion pour des antiquaires » sourit-elle. Alicia est attachée à ses racines ; elle s’est s’installée dans sa verte province d’origine plutôt que dans une grande ville, avec les avantages et les inconvénients : « Moins de travail, mais pas de concurrence ! Ma réputation s’établit par le bouche à oreille. Les tableaux se succèdent maintenant dans l’atelier les uns après les autres, …» avec 80 % émanant de particuliers.
Suivre les bonnes filières
Alicia a toujours été intéressée par l’art et recherché les filières où le rencontrer. . Depuis les cours de dessin en option à Saint-Benoît (Habay), et la fin de ses humanités à l’I.S.F. (Virton), elle a opté pour un master en histoire de l’art, entamé aux Facultés Notre-Dame de la Paix(Namur), avant de poursuivre avec pour un master en restauration d’oeuvres d’art à la Haute École Saint-Luc(Liège) pour une approche plus concrète des œuvres. Elle a alors opté pour la restauration de peintures, « un support fragile, dit-elle, qui demande une approche au cas par cas ». Il faut préciser que Saint-Luc est la première école en Europe à s’être spécialisée dans la restauration des matériaux contemporains. Alicia s’y est tout naturellement intéressée avant de se spécialiser dans la peinture de chevalet sur bois. Son travail de fin d’études l’a d’ailleurs conduite à l’étude et la restauration d’un panneau appartenant à la cathédrale Saint-Lambert, à Liège, ce qui l’a conduite à de nombreuses recherches.
L’audace et ses surprises
Même pas peur : elle a consulté Jean-Albert Glatigny, le spécialiste des supports sur bois dans l’équipe de restauration de l’Agneau mystique, pas moins ! C’est un métier qui offre des moments très forts, comme celui où Alicia s’est retrouvée à manipuler un Picasso, lors d’un stage à Londres pour un des ateliers en relation avec Sotheby ! « Bonjour le stress ! » se souvient-elle encore … Des moments d’émotion aussi, tel la mise au jour des détails d’un tableau d’apparence très sombre que lui avait confié un particulier. Le vernis enlevé a laissé émerger un intérieur de style renaissance italienne avec une famille…Ces moments sont les plus précieux pour elle: la surprise d’une œuvre dans sa première fraîcheur, et le bonheur du client !
Un travail de rigueur, en équipe
Restaurer, c’est un travail inter-disciplinaire, qui allie la recherche scientifique, l’art et l’artisanat dans la rigueur et … l’humilité ! Pas question d’inventer un détail dont on ne serait pas absolument sûr. C’est un métier de patience et de rigueur, où le spécialiste n’a pas droit à l’imagination. « Il faut connaître la période, les matériaux employés, même si nous travaillons avec des matériaux différents. La tendance actuelle dans cette partie du monde est à la réversibilité de la restauration, de façon à pouvoir intervenir plus tard si nécessaire avec des matériaux et des techniques qui n’existent peut-être pas encore, pour mieux restaurer l’oeuvre. » Une approche qui se différencie de l’école italienne, où la restauration est plutôt de type illusionniste, c’est-à-dire qu’on ne voit pas.
Qui peut faire restaurer une œuvre ?
Faire restaurer une oeuvre, est-ce à la portée de tous ? Alicia est sensible à cette question, et propose un tarif horaire, de façon à permettre justement au plus grand nombre l’accès à ses services.
Quant à restaurer soi-même, Alicia met en garde. C’est un travail long (5 cm² par jour pour une sculpture en cours!) et délicat, qui nécessite une connaissance approfondie des matériaux et de leurs réactions : un geste malencontreux peut détruire sans recours une oeuvre à laquelle vous tenez. Pas d’improvisation donc…
Informations
Alicia Gillet, Conservation et restauration d’oeuvres d’art
+32474250556
Daloze