Le récit de vie, pour soi et pour les autres

Le récit de vie, pour soi et pour les autres

riggiline . Publié dans Belgique, Editos, Littérature 2231

Durant près de 13 ans, j’ai collecté des récits de vie. Ces histoires, puisées auprès des habitants « ordinaires » du Luxembourg belge, forment la trame d’une histoire au quotidien de cette région. Deux choses en particulier me fascinent dans cette démarche : la vitalité des témoins et le sens qu’apporte cette démarche au parcours.

Le regard pétillant des anciens

La première consiste en la vitalité dont témoignent ces récits. Tous avaient vécu des temps difficiles, et tous avaient à raconter une astuce, une ruse qui leur avaient permis de tenir, de dépasser l’obstacle. J’aime par-dessus tout ce regard pétillant des anciens quand ils évoquent la façon dont ils ont berné leur exploiteur !

Universel et unique

Peut-être dois-je préciser que j’ai toujours interrogé sur les aspects concrets de la vie. La manière d’aller au travail dit bien davantage de quelqu’un qu’un discours sur ce qu’il pense. Daniel Bertaux* écrivait que le récit de vie est à la fois universel et unique : universel parce que les préoccupations humaines sont universelles, uniques parce que la façon d’y souscrire nous appartient.

Retrouver le sens de sa vie

La seconde, c’est l’oxygène qu’apporte cette démarche. Tous, en préambule, me disaient : « Je n’ai rien à raconter, ma vie est banale. » et tous terminaient, peut-être après un moment d’émotion, par contempler leur parcours avec une certaine fierté. Il y avait un sens à tout cela, ils pouvaient regarder en face leur vie, quel que soit les détours empruntés. Bien que mon travail ne soit pas thérapeutique, j’ai vu des familles se rapprocher, simplement parce que leur histoire aux uns et aux autres avait été reconnue et qu’ils avaient pu lui donner du sens.

Comment ça se passe ?

La production de notre propre récit, avec quelqu’un qui écoute et pose des questions « parce que ça l’intéresse », nous oblige à exprimer ce qui restait jusque là vécu au jour le jour, parfois dans la frustration, rarement examiné. Et là, on prend le temps de parler de la façon dont on fait les choses, on explique et ce faisant, on parle beaucoup de soi. Nous livrons bien davantage de nous ne expliquent comment nous réalisons telle ou telle chose qu’en émettant des jugements de valeur !

Le malade de la mémoire, une personne à écouter

Chaque époque génère ses maladies. Celles qui nous frappent aujourd’hui concernent la mémoire. Je veux évoquer ici la question des démences, selon le terme médical, ou encore les personnes désorientées. Elles nous laissent tous, malades, famille, soignants, terriblement démunis. Notre parent ne nous reconnaît plus, a oublié ces moments partagés ensemble, régresse jusqu’à nécessiter une assistance complète. Des travaux ont montré l’intérêt du récit de vie dans l’amélioration de l’état du malade, comme outil pour le personnel soignant et comme moyen de rapprochement avec la famille. Ma page personnelle vous donnera plus d’informations sur le sujet.

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*     Daniel Bertaux est l’auteur, entre autres, de « Récit de vie », paru en 1976 chez Armand Collin (et souvent réédité).

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