La Vannerie
El Noyan, le nid de Marianne Graff, vannière à Ansart (Tintigny/Belgique)
Marianne est vannière, par amour de la nature et des anciens métiers. Elle a créé un atelier. Rencontre avec une passionnée.
Marianne écorce des lianes de clématite sauvage pour un prochain stage. Quelques créations destinées à un défilé trônent sur la table. Des tiges encore brutes trempent dans une bassine. Les enfants ne sont pas encore rentrés de l’école. Tout est calme. Depuis quelques années, Marianne, femme « à la maison » : un choix, dit-elle, « qui exige force et ouverture d’esprit », donne la priorité à la vannerie.
Transmettre
« C’est étonnant, me dit-elle, comme des jeunes femmes s’adonnent maintenant à l’activité autrefois réservée aux hommes âgés. » Elle-même accuse une très jeune quarantaine. « Tout petite déjà », les plantes étaient sa passion. Elle a contracté le virus de la vannerie à 10 ans, en regardant travailler un vieux voisin. Elle complète son apprentissage « sur le tas » par des études d’horticulture. Elle inscrit la transmission est au coeur de son métier, d’où les stages et ateliers qu’elle dispense régulièrement. Une transmission qui passe surtout par les gestes : « Pour faire des chinières,[1] il faut le voir faire. C’est un tour de main qu’on ne peut pas décrire. »
« Tisser des fibres, ça crée des liens »
Passionnée de langage, Marianne voit dans la vannerie un moyen de réunir les gens. « Si je ne m’étais pas épanouie dans les végétaux, je me serais orientée vers les mots. Ce sont aussi des fibres. Le livre est un objet de lien social». Elle ne se prive d’ailleurs pas d’émailler son discours de formules bien à elle. Pour Marianne, la vannerie est à la base de la relation entre les hommes : « Quand les hommes ont commencé à fabriquer des vanneries, ils étaient nomades, en groupe. Ils récoltaient des fruits. Devenus sédentaires, ils ont eu besoin de contenir les animaux et ont tressé des plessis[2]. Si actuellement, on voit davantage la vannerie sous son aspect décoratif, on revient aussi à l’utilitaire, fait main. C’est un besoin, parce qu’on a perdu ce lien avec l’objet, qui est en fait le lien avec les personnes qui ont créé l’objet : d’où vient le matériau, qui a réalisé l’objet… Auparavant, on vivait toute sa vie avec ces objets-là. Tel objet était lié à telle personne… » Pratiquer la vannerie est en soi un facteur de lien : « Tu es installée dans une rue, avec ta vannerie. Ça parle. Les jeunes veulent essayer. Les plus âgés se souviennent ; ça crée des passerelles. »
La vannerie sauvage, pour être en accord avec ce qui habite la région
Son choix de la vannerie sauvage lui permet d’intégrer sa démarche dans le paysage, de percevoir toute la chaîne depuis le végétal jusqu’à la production finie. Elle travaille le saule, les écorces, la ronce, le noisetier, la molinie, la clématite sauvage, les carex.
Un art du temps, un art des sens
C’est aussi un art qui prend du temps, ce qui lui donne sa valeur. La valeur du temps : c’est précieux, c’est rare. C’est ce qui s’échange aussi lorsqu’on reçoit un savoir des anciens par la transmission orale. La vannerie est une discipline qui fait appel à tous les sens, lié au toucher, au rythme des saisons. J’ai souvent entendu Marianne reprendre un argument en faveur du travail manuel : on constate, dit-elle, que le travail manuel libère la dopamine (l’hormone du bien-être). La dépression nerveuse est apparue chez des gens, nés après la révolution industrielle. Lorsqu’on travaille de ses mains, on est en accord avec son corps. C’est une démarche toute entière dans le ressenti.
Une autre relation à l’objet
Si Marianne participe peu aux marchés, foires, où elle ne trouve pas le contact qu’elle recherche, elle expose. Une de ses oeuvres s’intitulait « L’éloge de la lenteur ». C’était une banse[3] profonde, aux poignées ornées de deux coquilles. Il a été acheté comme cadeau de naissance pour y ranger les jouets du bébé, et plus tard les trésors que l’enfant voudra lui confier. Marianne réalise des pièces uniques, qui interviennent davantage dans la décoration que pour un usage courant. Elle part de l’objet utilitaire, qu’elle détourne, pour qu’on la trouve là où on ne l’attend pas. Un beau livre paraîtra prochainement sur les vanniers du Luxembourg belge, sous la houlette de la Maison du Tourisme de Gaume , où on découvrira les œuvres de Marianne, en même temps que celles d’autres vanniers régionaux.
Renseignements :
Lu Noyan
rue du Monument, 14 – 6730 Ansart
tél. +32(0)478 796 926
[1] Les chinières sont des lanières d’écorce
[2] Technique traditionnelle de taille et de tressage de haies vives
[3] Corbeille d’osier de forme allongée